L’historique du projet
Pris individuellement, aucun dictionnaire ou lexique ne donne l’état actuel des connaissances des égyptologues, soit parce qu’il est obsolète, soit parce qu’il reproduit les traductions anciennes sans véritablement les contrôler. Le projet d’éditer un Vocabulaire de l’Égyptien Ancien est né de ce constat.
Actuellement, les chercheurs sont confrontés à une dispersion importante de la documentation, difficile à gérer et grande consommatrice de temps. Les seuls dictionnaires conçus pour être exhaustifs sont l’ancien dictionnaire de Berlin, le Wörterbuch der Ägyptischen Sprache (5 volumes publiés entre 1925 et 1931) et celui de R. Hannig (Ägyptisches Wörterbuch I. Altes Reich und Erste Zwischenzeit [1 vol.] et II. Mittleres Reich und Zweite Zwischenzeit [2 vol.] ; III. à paraître), en cours de rédaction mais peu commode. Le Wörterbuch der Ägyptischen Sprache reste, malgré son ancienneté, l’ouvrage de référence incontournable pour tout travail lexicographique. Réimprimé plusieurs fois, il est aujourd’hui épuisé. Ce dictionnaire monumental – il faut ajouter à ces cinq volumes les cinq volumes des Belegstellen et les deux volumes d’index – représente pour l’essentiel un état de connaissance antérieur à la Première Guerre mondiale. Depuis lors, de nouveaux mots ont été trouvés, de nouvelles analyses ont modifié la traduction de certains vocables déjà attestés, voire ont écarté certains mots considérés aujourd’hui comme inexistants.D’autres dictionnaires et lexiques ont été publiés depuis mais tous sont spécialisés. Ils portent soit sur un état de langue — langue archaïque, moyen-égyptien, néo-égyptien, démotique—, soit sur un aspect de la civilisation égyptienne — minéraux, botanique, médecine, titres administratifs, etc. —, voire sur un corpus de textes. Le plus souvent, ces travaux ne reprennent pas l’analyse lexicographique à la base, se bornant à réutiliser les travaux antérieurs sans vérification.
Le retard pris par l’égyptologie est donc considérable, d’autant que l’épigraphie reste dans cette discipline un domaine cardinal. Les chercheurs sont donc confrontés à un « verrou » scientifique, qui les oblige aujourd’hui à travailler avec des outils obsolètes, avec tous les risques d’erreur ou d’oubli que cela comporte. En outre, la dispersion extrême de la documentation, des dictionnaires et des lexiques complique la formation des étudiants et des doctorants qui parviennent difficilement à se retrouver dans cette accumulation d’ouvrages.
Aujourd’hui, le retard pris dans le traitement lexicographique – ou retraitement – de la documentation est tel que la nécessité de réaliser un nouveau dictionnaire est devenu une priorité urgente.